Dans les livres et les films de science-fiction, la scène d’explication est un cliché du genre. Sérieuse ou drôle, elle est invariablement placée à un endroit stratégique : c’est le moment où il s’agit justement de passer de la science à la fiction. Même dans Countdown (Altman, 1967) que son réalisateur définit comme une œuvre de « science fiction sans fiction », cette scène existe et ce passage s’opère. Une première manière de saisir la manière dont la littérature et le cinéma de science-fiction nous font penser consistera donc à étudier ces scènes d’explications en allant les chercher dans les chefs-d’œuvre qui ont marqué l’histoire du genre : Frankenstein (Shelley, 1818), Voyage au centre de la terre (Verne, 1864), The Time Machine (Wells, 1895), 1984 (Orwell, 1949), 2001. A Space Odyssey (Kubrick, 1968), Brazil (Gilliam, 1985), Matrix (Wachowski, 1999). Ce sera l’occasion de mettre à l’épreuve la proposition de Deleuze selon laquelle la philosophie s’écrit comme la science-fiction, c’est-à-dire sur « cette pointe extrême qui sépare notre savoir et notre ignorance, et qui fait passer l'un dans l'autre. » (Différence et répétition, 1968). Mais la science-fiction nous fait penser bien au-delà de ce qu’elle explique. Comment ? En traitant de façon extraordinaire des problèmes tout à fait quotidiens. Songeons par exemple aux relations conjugales ou filiales dans Peut-être (Klapish, 1999), à l’environnement mais aussi au handicap dans Avatar (Cameron, 2009), à la justice dans Minority Report (Spielberg, 2002) et à la mémoire dans La Jetée (Marquer, 1962). Cette autre manière de lire et de voir les œuvres permettra dans un second temps d’interroger la compréhension que la science-fiction nous donne, de façon plus implicite et plus critique, du monde dans lequel nous vivons.